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BSPCE en 2024, un cadre incertain malgré certaines avancées

Publié le 17/Déc/2023 par Fabien DREY

BSPCE en 2024, un cadre incertain malgré certaines avancées
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Les BSPCE, et plus largement les systèmes de management package, subissent encore aujourd’hui les turpitudes des juridictions et de la Doctrine fiscale, malgré la volonté du gouvernement de mettre en avant ce type de mécanisme.

Ce contexte, accompagné du florilège des options à disposition (BSPCE, BSA, AGA, shadow stocks, mécanismes d’intéressement classiques, etc.), conduit à une limitation du recours à ces outils, dont le développement pourrait pourtant s’avérer particulièrement bénéfique.

Le présent article n’a vocation qu’à revenir sur les débats récents concernant la fiscalité des BSPCE, leur soumission aux cotisations sociales et la consécration du mécanisme de décote.

Ces questions concentrent en effet l’ensemble des questions en cours, qu’il conviendra de trancher rapidement sous peine de voir d’autres systèmes se développer encore, notamment concernant les BSA et leurs variantes, tout aussi exposés à l’aléa judiciaire.

Le sursis d’imposition en cas d’apport de titres souscrits en exercice de BSPCE refusé par l’Administration

Le contexte d’exercice des BSPCE et les difficultés pouvant être soulevées

Avant de commenter la décision prise par l’Administration, il convient dans un premier temps de rappeler le contexte d’attribution et de souscription de BSPCE.

D’une part, il convient de rappeler que les BSPCE sont, en synthèse, des bons octroyés à des salariés et/ou à des dirigeants d’entreprise, leur permettant de souscrire des actions d’une société dans un certain délai (et sous certaines conditions) à un prix préalablement fixé.

D’autre part, les titres éventuellement souscrits par les bénéficiaires des BSPCE (une fois le délai expiré et les conditions respectées) sont soumis à l’aléa social, comme tout autre titre de la société. Le bénéficiaire n’aurait donc, si la situation de la société s’est dégradée, aucun intérêt à exercer ses BSPCE.

Le mécanisme des BSPCE est donc un mécanisme d’intéressement, dont le réel avantage dépend en premier lieu des performances de l’entreprise.

Si le salarié le souhaite, et que cela présente en pratique un intérêt pour lui, il pourra donc devenir associé de la société et, le cas échéant, bénéficier de dividendes et/ou d’un cash out à l’occasion de la vente des titres de la société.

Toutefois, il convient de ne pas oublier que le salarié n’est pas maître de la situation, l’acceptation et le montant du dividende étant fixés par les associés majoritaires.

Un salarié pourrait donc se retrouver associé d’une société, sans jamais toucher le moindre dividende. En outre, en l’absence de vente des titres de la société, le salarié ne touchera aucune somme. Là encore, le gain pour le bénéficiaire des BSPCE (qu’il soit salarié ou dirigeant) apparaît hypothétique.

On pourrait ainsi envisager que le « gain » du titulaire du BSPCE réside justement dans la possibilité de souscrire ou non, en connaissant la valorisation de la société lors du débouclage (et donc de mesurer intégralement le risque), ce qui n’est pas le cas des associés ayant souscrit au capital initialement et qui sont, eux, soumis à un véritable aléa. Cette lecture n’a cependant, à notre connaissance, pas été retenue par les juridictions.

Pour autant, ce mécanisme peut constituer une forme d’intéressement et de motivation des salariés, notamment pour les jeunes entreprises, n’ayant pas les moyens de rémunérer leurs salariés à la hauteur de leurs compétences et souhaitant réaliser, à terme, une opération de private equity (levée de fonds), généralement par l’intermédiaire d’un LBO (leverage buy out).

Pour la bonne compréhension du lecteur, il sera rappelé qu’un LBO est une opération par laquelle une société est constituée afin d’acquérir ou de bénéficier (par voie d’apport) des titres d’une autre société.

La société initiale (la cible) peut être une start-up ou un grand groupe.

Des investisseurs apportent des fonds à la société holding (NewCo), permettant de lever une dette bancaire (la dette senior). La société peut alors acquérir l’intégralité des titres de la société cible, pour une valorisation négociée. C’est dans ce cadre que la valorisation de la société cible est un enjeu majeur, pour les investisseurs, mais aussi et surtout pour les associés de la société cible.

C’est dans ce schéma que les BSPCE permettent d’obtenir le meilleur rendement.

En effet, préalablement à l’opération de rachat de la société cible, le titulaire des BSPCE pourra (si les conditions sont réunies) souscrire au capital de la société cible, pour une valeur qui avait été déterminée quelques années plus tôt.


Par exemple :

En 2019, le plan de BSPCE prévoyait la possibilité de souscrire des actions de la société pour un prix d’un euro par action.

En 2023, chaque titre de la société est valorisé 10 euros dans le cadre d’une opération de LBO.

Le titulaire des BSPCE versera donc 1 € et obtiendra une action de la société de 10 € de valeur. Sa plus-value en cas de vente sera donc de 9 € par titre.


Le salarié aura donc tout intérêt à devenir actionnaire de la société, préalablement au « closing » afin de récupérer la plus-value générée par la vente de ses titres.

Pour autant, un autre cas de figure trouve bien souvent à s’appliquer, à savoir l’apport des titres. En effet, pour certains salariés clefs, les investisseurs demanderont à ce qu’ils soient présent dans l’actionnariat de la nouvelle société (soit directement, soit par l’intermédiaire d’une ManCo).

Dans ce cadre, le salarié apportera ses titres à une société, et percevra en contrepartie des titres de ladite société. Il s’agit d’une opération classique d’échange de titres, ne donnant lieu à aucun versement de somme d’argent (hors hypothèse d’une soulte).

Le salarié procédant à un apport des titres reçus à la suite de l’exercice de ses BSPCE n’aura donc aucun avantage financier immédiat et ne touchera aucune somme. Pis, c’est lui qui aura mobilisé de la trésorerie personnelle pour souscrire les titres.

Fiscalement, ces opérations d’apport sont assimilées à des cessions, et génèrent donc une plus-value.

Dans ce contexte, il pouvait classiquement être envisagé de permettre au salarié de bénéficier du mécanisme du sursis d’imposition (art. 150-0 B du GCI) ou du report (150-0 B ter du CGI). L’hypothèse du report reste rare, car elle nécessite que l’apporteur possède le « contrôle » de la société bénéficiaire des titres, ce qui est rarement le cas pour un salarié bénéficiaire de BSPCE.

Ces mécanismes permettent à l’associé effectuant un apport de bénéficier d’un sursis d’imposition, et donc de ne pas être taxés. La logique économique est implacable, l’associé réalisant un apport ne touche aucune somme d’argent, et il ne serait pas envisageable qu’il soit taxé sur un montant qu’il ne perçoit pas.

C’est dans ce contexte qu’un rescrit a récemment été publié par l’Administration fiscale.

Or, de manière surprenante, l’Administration a clairement indiqué que le gain réalisé ne peut bénéficier du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du CGI (BOI-RES-RSA-000127, 25 mai 2023 ; BOI-RSA-ES-20-40-30, 25 mai 2023, § 1).

L’impact de la mise à jour de la doctrine fiscale en cas d’apports de titres issus de BSPCE

Le texte du rescrit est le suivant :

« Les BSPCE sont attribués à des salariés ou des dirigeants d’une société en considération de leurs fonctions salariées ou de leur qualité de mandataire social. Dans cette situation, le gain de cession de titres souscrits en exercice de BSPCE résulte directement de l’activité que les intéressés ont personnellement déployée dans la société et qui a contribué à la valorisation des titres.

Les dispositions de l’article 163 bis G du CGI prévoient un régime fiscal de faveur « ad hoc ». Lorsque les conditions prévues pour le bénéfice du régime de faveur ne sont pas satisfaites, les gains nets constituent un complément de salaires et sont imposés selon les règles de droit commun des traitements et salaires.

Dans le cadre du régime fiscal de faveur prévu à l’article 163 bis G du CGI, le renvoi à l’article 150-0 A du CGI a pour objet de définir les modalités d’assiette applicables au gain résultant de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE. Il ne peut s’agir d’un renvoi implicite à l’ensemble du régime des plus-values mobilières et, notamment, à l’article 150-0 B du CGI relatif au sursis d’imposition.

Dès lors, le gain résultant de l’apport de titres reçus en exercice des BSPCE ne bénéficie pas du mécanisme du sursis d’imposition. Ce gain sera imposé au titre de l’année de l’apport selon les dispositions de l’article 163 bis G du CGI, sous réserve d’en satisfaire les conditions d’application. À défaut, le régime d’imposition des traitements et salaires serait applicable.

La plus-value résultant de la vente ultérieure des titres reçus en rémunération de l’apport sera imposée selon le régime des plus-values mobilières en vigueur à la date de la cession. »

En synthèse, l’Administration fiscale estime que le régime de faveur institué par l’Article 163 bis du CGI au profit des porteurs de BSPCE ne peut se cumuler avec le régime du sursis d’imposition, en se basant sur l’absence de renvoi explicite audit texte en cas d’apport.

En pratique, l’impact de cette décision emporte des conséquences particulièrement désastreuses.


Exemple :

En reprenant l’exemple ci-dessus, le bénéficiaire des BSPCE n’aura touché aucune somme à l’occasion de l’apport réalisé.

Il devra toutefois déclarer une plus-value, égale à 9 € par titre.

Cette plus-value sera par principe imposée à la flat tax, au taux global de 30%.

Le bénéficiaire paiera donc 2,7 € d’impôt et de prélèvements sociaux pour chaque action apportée. Si le titulaire 5.000 titres, valorisés 50.000 €, le montant à débourser serait de 27.000 €…

Les éléments ci-dessous sont donnés à titre d’exemple, et ne tiennent pas compte des différentes options pouvant être exercées par le contribuable.


À notre sens, cette décision devra(it) rapidement être réformée, l’Administration ajoutant ici au texte de l’article 150-0 B du CGI qui ne fait aucune mention d’une disparité de régimes en fonction de l’origine des titres qui sont apportés.

En tout état de cause, cette décision crée indéniablement un frein à l’essor des BSPCE, malgré la volonté du gouvernement de mettre en avant ce mécanisme.

La consécration de la décote en cas de revente des BSPCE

À l’occasion des 10 ans du label French Tech, Jean-Noël Barrot, ministre délégué au Numérique avait annoncé que « l’administration fiscale va autoriser les jeunes entreprises innovantes qui émettent des BSPCE à appliquer une décote d’illiquidité […] ».

Il aurait été préférable d’effectuer une annonce relative au retrait de la Doctrine précitée, mais nous devrons pour le moment nous contenter de la consécration d’une décote, qui n’a d’ailleurs, à notre connaissance, pas fait l’objet de débats particuliers.

Là encore, il convient de rappeler le principe et la philosophie des décotes.

Comme le rappelle l’Administration, notamment dans son fascicule lié à la valorisation des titres de SCI (dont elle a récemment rappelé qu’il ne lui est d’ailleurs pas opposable…), il est possible d’appliquer diverses décotes dès lors qu’il s’agit de déterminer la valeur de titres.

En effet, on peut facilement appréhender le fait qu’un associé minoritaire, ne disposant d’aucune minorité de blocage et d’aucune possibilité de retrait, est soumis à la volonté des associés majoritaire et ne peut pas disposer librement de ces titres.

Il lui est impossible de déterminer seul la politique de dividende et ne possède presque aucun pouvoir dans la société. En pratique, il ne peut vendre ses titres qu’à ses associés, aucun tiers ne pouvant être intéressé par le rachat d’une part infime du capital d’une société (hormis l’hypothèse d’une société cotée où les règles sont différentes).

En conséquence, la valeur des titres de l’associé minoritaire est particulièrement dégradée par rapport à la valeur des titres détenus par les associés en situation de contrôle de la société.

Ainsi, il est admis d’appliquer, sur la valeur « réelle » des titres de la société :

  • Des décotes d’illiquidité relatives au fait que l’associé ne maîtrise pas la politique de dividende et ne peut pas vendre ses titres sans l’aval des majoritaires ;
  • Des décotes de minorité, assises sur le fait que l’associé en cause ne possède aucun pouvoir ou aucune minorité de blocage lui permettant de bloquer les décisions des associés majoritaires (hormis les décisions devant être prises à l’unanimité).

Le ministre vient donc permettre aux BSPCE de bénéficier d’une décote d’illiquidité, leur permettant de pallier certaines difficultés notamment dans l’hypothèse où la valorisation de la société n’attendrait pas les attentes initiales.

Cependant, ce régime resterait a priori réservé aux jeunes entreprises innovantes (JEI), dont le régime a lui aussi été remanié à l’occasion du vote de la loi de finances.

La philosophie semble donc être la bonne, en faveur du développement des outils d’intéressement au profit des salariés et managers, et notamment des BSPCE. Il est toutefois regrettable qu’aucune réforme globale ne soit initiée et que de nombreux freins subsistent quant à la qualification même de ce type de mécanismes.

La possibilité de souscrire des titres issus de BPSCE par l’intermédiaire d’un PEA

Les plans d’épargne en actions (PEA) sont des supports d’investissement permettant à leurs titulaires de souscrire des actions ou des parts dans des organismes de placement collectif.

Le fait de souscrire des titres par l’intermédiaire d’un PEA permet de bénéficier, sous conditions, d’une exonération à l’impôt sur le revenu des dividendes et des plus-values générés par les titres.

En se basant sur une logique similaire à celle qui lui permet aujourd’hui de refuser le sursis d’imposition, la Doctrine fiscale refusait que des BSPCE ou des titres obtenus par l’intermédiaire de BPSCE puissent bénéficier des avantages d’un PEA.

A cet égard, la Doctrine fiscale refusait de cumuler les avantages des BSPCE et du PEA (BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20).

Or, saisi d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de cette doctrine, le Conseil d’Etat (CE, 8 décembre 2023, n°482922) vient de clarifier la situation :

  • d’une part, le Conseil d’Etat confirme qu’il n’est pas possible d’inscrire des BSPCE sur un PEA, au regard des dispositions de l’article L. 231-31 du Code monétaire et financier qui n’incluent pas les BSPCE comme une catégorie de titres pouvant être inscrite sur un PEA ;

  • Toutefois, le Conseil d’Etat rappelle que rien n’empêche que les titres acquis en exercice des BSPCE puissent être inscrits sur un PEA.

Le bénéficiaire des BSPCE peut donc ouvrir un PEA afin de verser des sommes lui permettant de souscrire des titres en exercice de BSPCE, ce qui permet enfin de bénéficier de l’ensemble des avantages prévus par la loi.

La Doctrine fiscale devra donc être revue sur ce point, et il y a de grandes chances pour qu’une décision similaire soit rendue dans l’hypothèse d’un recours à l’encontre de la Doctrine refusant le sursis d’imposition.

En tout état de cause, les BSPCE sont aujourd’hui au cœur de l’actualité fiscale. Nous espérons que cette mise en lumière permettra d’améliorer cet outil au bénéfice des entreprises et de leurs collaborateurs.


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