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La Cour de cassation revient sur sa jurisprudence concernant les actes passés préalablement à la constitution d’une société

Publié le 17/Déc/2023 par Fabien DREY

La Cour de cassation revient sur sa jurisprudence concernant les actes passés préalablement à la constitution d’une société
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La Chambre commerciale de la Cour de cassation, par l’intermédiaire de 3 arrêts rendus le 29 novembre 2023, vient d’opérer un revirement particulièrement intéressant en matière d’actes passés par une société, préalablement à son inscription au registre du commerce.

Ces arrêts reviennent à une plus grande souplesse dans l’appréciation de ces actes et de leur reprise par la société, une fois cette dernière immatriculée.

Quels sont les apports des 3 arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 novembre 2023 ?

Ces arrêts ont un intérêt significatif en ce qui concerne les actes passés par une société, avant même qu’elle ne soit immatriculée.

En pratique, ces actes sont légion (signature d’un bail, acquisition d’un fonds de commerce, souscription d’un contrat spécifique, etc.) et sont signés par les futurs associés de la société. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui assument financièrement la charge de ces actes, jusqu’à leur reprise par la société, une fois cette dernière constituée. A cet égard, les sommes avancées par les associés sont affectées au crédit de leur compte courant d’associé, ouvert dans les livres de la société.

Or, au moment de la signature des actes, la société n’a aucune existence légale puisqu’elle n’est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés (en pratique, on pourrait dire qu’elle n’a pas encore obtenu son Kbis).

Il est rappelé que la Jurisprudence avait posé de longue date le principe selon lequel les actes ne pouvaient être repris par la société qu’à condition que l’acte stipule littéralement qu’il a été conclu « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation.

Or, en pratique, cette jurisprudence permettait aux associés (ou à certains d’entre eux), de réclamer la nullité de l’acte initialement conclu.

Par exemple, dans l’hypothèse où un bail aurait été conclu par des associés, sans que l’acte ne stipule expressément les mentions requises, les associés pourraient par la suite demander l’annulation dudit bail s’ils ne souhaitent plus créer la société ou si un désaccord survient entre eux.

Le bailleur se retrouve alors dans une position particulièrement défavorable, et cette situation n’était pas satisfaisante. La société elle-même est en situation de risque, un associé indélicat pouvant réclamer l’annulation d’un contrat pourtant essentiel à son activité.

Dans ce cadre, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, par un nouveau revirement qui ne manquera pas d’en appeler de nombreux autres dans les mois à venir, est revenue sur ce principe en indiquant désormais que la présence des mentions « au nom » ou « pour le compte » n’est plus obligatoire.

Le texte des décisions précitées est repris in extenso ci-dessous :

« L’exigence selon laquelle l’acte doit, expressément et à peine de nullité, mentionner qu’il est passé « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation ne résultant pas explicitement des textes régissant le sort des actes passés au cours de la période de formation, il apparaît possible et souhaitable de reconnaître désormais au juge le pouvoir d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l’acte qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits. »

Il appartient désormais aux juges du fond d’apprécier la « commune intention des parties », au regard des éléments qui lui sont fournis, pour déterminer si l’acte doit ou non être repris par la société.

Il appartient en outre de rappeler que ce revirement est applicable aussi bien aux sociétés commerciales qu’aux sociétés civiles.

Illustrations pratiques de l’impact du revirement opéré par les décisions de la chambre commerciale du 29 novembre 2023

Les trois arrêts ont été publiés par la Cour de cassation et peuvent être consultés via les liens ci-dessous :

En pratique, ces espèces concernaient 2 promesses d’achat de titres et un bail commercial, conclus par des associés au profit d’une société à constituer.

Pour ces trois espèces, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a accepté le principe de la reprise des engagements signés par les associés, alors que la rédaction des actes en cause était défaillante et ne prévoyait pas les mentions « au nom » ou « pour le compte ».

Il appartiendra désormais aux Cours d’appel saisies d’apprécier in concreto si lesdits actes doivent bien être repris ou annulés, au regard de la commune intention des parties.

Or, en présence de la signature de l’ensemble des parties, avec l’intégration de mentions rappelant que les actes sont conclus par les associés dans l’attente de l’immatriculation de la société, il sera difficilement envisageable de rapporter la preuve que la volonté des signataires n’était pas de conclure un acte engageant la société.

Ce revirement s’inscrit dans une démarche globale initiée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, et il conviendra de rester vigilant concernant les prochaines décisions, notamment concernant la détermination de la qualité d’associé.