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Guide : déclarer ses revenus Bitcoins et autres cybermonnaies

Publié le 06/Juin/2023

Guide : déclarer ses revenus Bitcoins et autres cybermonnaies
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L’appréhension fiscale des revenus tirés des opérations d’achat, échange et vente de cryptomonnaies est somme toute assez récente. 

En effet, elle a été rendue nécessaire par l’essor des opérations en cybermonnaies (Bitcoins et autres) et par les flux financiers générés par ces opérations. Néanmoins, le régime fiscal des gains tirés des opérations d’achat, échange et vente de cryptomonnaies en est encore au stade embryonnaire. 

Bien que ce régime fiscal fasse partie des préoccupations du législateur, le fait est qu’à l’heure actuelle le traitement fiscal des opérations en cryptomonnaies tient purement et simplement du régime des revenus généraux. 

Les principes généraux en matière d’imposition des revenus de cybermonnaies (bitcoin, ether, etc.)

En l’état actuel des choses, il n’existe aucun texte législatif ou règlementaire traitant spécifiquement du régime fiscal des gains tirés des opérations en cryptomonnaies. 

La seule source traitant de ce régime est la doctrine de l’Administration fiscale française qui, à défaut d’être une véritable législation, permet a minima de comprendre la façon dont les services fiscaux aborderont une question donnée et de s’adapter en conséquence. 

Selon l’Administration fiscale française, les cryptomonnaies (l’Administration ne traite que du « Bitcoin » mais le raisonnement à vocation à s’appliquer à l’ensemble des cybermonnaies en vigueur) peuvent être utilisées comme un « outil spéculatif ». Par conséquent, l’Administration fiscale analyse l’achat pour revente de cryptomonnaies comme une activité commerciale soumise aux Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC)[1]

En revanche, les produits tirés de cette activité à titre occasionnel sont imposés dans la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux (BNC)[2]

Selon l’Administration fiscale les bitcoins peuvent être l’objet d’une activité économique consistant dans l’achat-revente, cette activité pouvant être effectuée aussi bien à titre professionnel qu’occasionnel.

L’imposition des gains réalisés dans le cadre d’une activité occasionnelle (BNC)

Dans ce cadre, la position de l’administration fiscale estime que les produits tirés de l’activité d’acquisition en vue de la revente, lorsqu’elle est exercée à titre occasionnel, sont des revenus soumis à la catégorie « fourre-tout » des BNC (BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40, 11 juill. 2014, § 1080). 

Si l’imposition du gain ainsi réalisé est fondée dans son principe, le régime des BNC ne s’avère pas adapté pour les simples particuliers, pour lesquels le bitcoin est avant tout envisagé comme un outil spéculatif. 

L’article 92, 1 du CGI vise les gains résultant de « toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou revenus ». 

Cependant, la vente de bitcoins à titre occasionnel ne constitue pas en elle-même une activité économique, mais la simple revente d’un outil spéculatif ayant pris de la valeur. 

L’appréhension par les BNC est de surcroît beaucoup trop large en ce qu’elle vise non seulement la vente par un particulier de ses bitcoins, mais aussi les « achats de biens de toute nature réglés par des bitcoins ».

La fiscalité issue des gains d’une vente à titre professionnel (BIC)

L’administration fiscale rappelle que l’acquisition de bitcoins en vue de leur revente, exercée à titre habituel et pour son propre compte, constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont, en application de l’article 34 du CGI, à déclarer dans la catégorie des BIC (BOI-BIC-CHAMP-60-50, 11 juill. 2014, § 730). 

Mais l’appréhension fiscale du commerce de bitcoins est plus complète car, par-delà l’achat-revente classique, elle s’étend également au minage. 

Un mineur peut en effet adhérer à un « pool » ou coopérative de mineurs, par lequel les membres mettent en commun leur matériel informatique et leur puissance de calcul au service du réseau Bitcoin. 

Ils valident ainsi des transactions de manière automatique et décentralisée et reçoivent en échange de nouveaux bitcoins générés par le protocole. Enfin, ils vendent les bitcoins générés sur une plateforme d’échange (BOI-BIC-CHAMP-60-50, 11 juill. 2014, § 740). 

Puisque les bitcoins sont attribués gratuitement, l’Administration précise que la valeur d’acquisition à retenir est nulle. 
L’imposition aux BIC est ici fondée puisque les bitcoins sont assimilés à un stock que l’on produit ou que l’on achète pour revendre. À ce titre, les frais liés à l’acquisition ou la production de bitcoins viendront naturellement en déduction du résultat imposable. 

Au regard des précisions administratives et jurisprudentielles actuellement à notre disposition, aucun critère quantitatif précis n’a été dégagé afin de déterminer le caractère habituel ou occasionnel des opérations réalisées. 

A cet égard, seul un examen attentif et au cas par cas des opérations réalisées et des circonstances de fait permet de déterminer si les opérations sont habituelles ou occasionnelles. Il faut par conséquent en revenir aux critères fondamentaux de détermination des activités commerciales contenu dans le Code de commerce. 

En application de l’article L.110-1 du Code de commerce, « La loi répute actes de commerce : (…) 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre ». 

Tout achat pour revente à titre habituel et spéculatif de cryptomonnaies constitue donc un acte de commerce. Dès lors, en application de l’article L.121-1 du Code de commerce, les personnes qui achètent pour revendre des cryptomonnaies à titre habituel exercent une activité commerciale. 

Or, en application de l’article 34 du CGI, « Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale. ». 

Par conséquent, l’achat pour revente de cryptomonnaies à titre habituel est soumis à l’Impôt sur le Revenu (IR) dans la catégorie des BIC.

La possibilité de bénéficier des régimes « micro » en fonction des revenus générés

Dans le cadre de revenus générés par des opérations sur cybermonnaies, il est possible de bénéficier des régimes dits « micro » permettant de bénéficier d’abattements forfaitaires, en fonction de la catégorie d’imposition visée. 

La Loi de Finances pour 2018 est venue augmenter significativement les seuils du micro-BIC et du micro-BNC à compter de l’imposition des revenus 2017. 

Les nouveaux seuils de chiffre d’affaires sont les suivants : 

  • 170 000 € (au lieu de 82 800 €) pour les activités de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées, ainsi que pour les activités de location à l’exclusion des locations meublées ; 
  • 70 000 € (au lieu de 33 200 €) pour les prestations de services. 

Pour apprécier ces nouveaux seuils, le CA à retenir reste déterminé selon les règles applicables habituellement : l’année de référence reste l’année N-1 (ou N-2 dans certains cas), ajustée au prorata temporis le cas-échéant. 

Les exploitants relevant du régime micro bénéficient de règles simplifiées de détermination de leur résultat imposable et d’obligations déclaratives et comptables allégées. 

Dans le cas de l’activité d’achat pour revente de crypto-monnaies, la question de la qualification de l’activité peut se poser. En effet, la nature juridique des crypto-monnaies est encore incertaine. 

Toutefois, il conviendrait à notre sens de retenir le montant relatif aux prestations de services, afin d’aboutir à une cohérence avec l’arrêt CJUE du 22 octobre 2015 cité ci-après. 

Le régime micro-BNC

Dans l’hypothèse où les seuils cités ci-avant serait respecté, et dans l’hypothèse où l’activité serait occasionnelle, le contribuable pourrait bénéficier du dispositif micro-BNC. 

Dans ce cadre, les revenus générés et imposables à l’impôt sur le revenu sont obtenus après application d’un abattement de 34% sur les recettes annuelles encaissées. Cet abattement est censé tenir compte de toutes les charges et son montant ne peut pas être inférieur à 305 euros. 

Le régime micro-BNC s’applique de droit sans démarches particulières à effectuer. Les recettes brutes sont à reporter sur la déclaration d’impôt sur le revenu n° 2042. 

Il est toutefois possible d’opter pour la déclaration contrôlée (en comptabilisant les charges réelles) par le dépôt de la déclaration n°2035. 

Le régime micro-BIC

Les contribuables soumis au régime micro-BIC portent directement sur leur déclaration annuelle de revenus n° 2042 le montant brut de leur chiffre d’affaires. 

Le résultat imposable calculé par l’administration correspond aux recettes brutes diminuées d’un abattement forfaitaire pour frais qui, conformément aux dispositions du 3ème alinéa du 1 de l’article 50-0 du CGI, est égal à : 

  • 71% pour le chiffre d’affaires ou, en cas d’activité mixte, la part du chiffre d’affaires global provenant de la vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de la fourniture du logement, à l’exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l’article 1407 du CGI ; 
  • 50% pour le chiffre d’affaires ou, en cas d’activité mixte, la part du chiffre d’affaires global provenant d’autres activités (prestations de services et locations en meublé mentionnées ci-dessus). 

A notre sens, et dans le cadre de l’application du régime micro-BIC, il conviendrait de retenir l’abattement spécifique de 50%

La TVA est-elle applicable aux opérations d’achat de reventes de cybermonnaies ?

Les opérations d’échanges de cybermonnaies, qu’elles soient réalisées en contrepartie d’autres cybermonnaies ou de devises traditionnelles, sont des opérations économiques par nature. 

A cet égard, certains états se sont interrogés sur le fait de savoir si ces opérations devaient être soumise à la TVA. 
La même question s’est posée pour les opérations d’achats et de reventes de bitcoins notamment. 

A cet égard, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), par un arrêt de principe en date du 22 octobre 2015, a jugé que les cybermonnaies ne pouvaient être qualifiées de « biens », et qu’ainsi les opérations relatives à cet élément ne pouvaient être soumise à TVA (CJUE, 5e ch., 22 oct. 2015, aff. C-264/14, Hedqvist).

Les plus-values réalisées lors de l’échanges entre différentes cybermonnaies peuvent elle-être imposées ?

Il s’agit de la problématique des opérations intercalaires et de la comptabilisation des opérations d’échanges entre différentes cybermonnaies.  

A cet égard, la plus-value potentiellement constatée à l’occasion de cet échange doit-elle être déclarée, quand bien même aucun échange en monnaie réelle ne serait réalisée ? 

Il convient, à notre sens, d’utiliser les notions utilisées par la Doctrine Administrative, et de les combiner à l’arrêt rendu par la CJUE le 22 octobre 2015. 

D’une part, la Doctrine Administrative (le BOFiP) rend imposable les « achats de biens ». A cet égard, à l’occasion de l’achat d’un bien en Bitcoin par exemple, la plus-value devrait être constatée et donc potentiellement imposée.  

En conséquence, l' »achat » d’Ether en contrepartie d’iCoins, par exemple, serait en principe imposable et l’assiette du « revenu » généré serait alors la différence entre la valeur d’achat de l’iCoin et sa valeur lors de l’échange. 

Cela pose un certain nombre de difficultés pratiques, notamment quant au cours à retenir et la difficulté de tracer l’ensemble de ces opérations. 

D’autre part, l’arrêt de la CJUE vient rappeler que les cybermonnaies ne peuvent pas être qualifiées de « biens » au sens propre du terme. 

Dans ce cadre, et selon notre analyse, les opérations intercalaires d’échanges n’entrent pas dans l’assiette des revenus à déclarer et seules les opérations d’achat de biens et de revente en monnaies traditionnelles peuvent ainsi être imposées. 

Les revenus Bitcoins sont-ils assujettis aux charges sociales ou aux prélèvements sociaux ?

Il convient de rappeler qu’en France, les revenus d’activités (BIC ou BNC) peuvent être soumis aux charges ou prélèvements sociaux. 

La différence entre la notion de (i) charges sociales et de (ii) prélèvements sociaux est particulièrement importante. 

En effet, les charges sociales représentent des cotisations complémentaires, de santé notamment, dont le taux est d’approximativement 40%. 

Les prélèvements sociaux, quant à eux, ne sont composés que de la CSG et de la CRDS, dont le taux cumulé est de 17,2% depuis le 1er janvier 2018 (15,5% en 2017). 

Il est donc particulièrement important d’analyser ces deux notions afin de déterminer le coût de ces éléments complémentaires. 

S’agissant des charges sociales (environ 40%), ces dernières sont assises sur les « revenus professionnels » de l’entrepreneur en question, ce qui implique nécessairement une inscription et la création d’une entreprise. 

S’agissant des prélèvements sociaux (17,2%), les revenus assujettis sont ainsi les suivants : 

  • revenus fonciers ; 
  • rentes viagères constituées à titre onéreux ; 
  • revenus de capitaux mobiliers ; 
  • plus-values suivantes (taxées à l’impôt sur le revenu au barème progressif ou à un taux proportionnel) : plus-values professionnelles à long terme (CGI art. 39 terdecies, 39 quindecies et 93 quater), plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux (CGI art. 150-0 A à 150-0 F), profits réalisés sur les « instruments financiers à terme » (CGI art. 150 ter), plus-values sur titres de sociétés cotées en cas de donation ouvrant droit à réduction d’IFI (CGI art. 150 duodecies), plus-values et créances soumises à l’exit tax (CGI art. 167 bis), distributions de plus-values de sociétés de capital-risque (SCR) (CGI art. 163 quinquies C, II-1) ; 
  • gains de levées d’options (« stock-options »), sous conditions ; 
  • revenus entrant dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles ou des bénéfices non commerciaux, lorsqu’ils n’ont pas été assujettis à la CSG et à la CRDS au titre des revenus professionnels. 

 A notre sens, et au regard des éléments actuellement disponible, il semble que les revenus Bitcoins soient soumis aux prélèvements sociaux, à hauteur de 17,2%. 

Cependant, aucune disposition spécifique n’encadrant ce type de revenus, rien n’empêche aujourd’hui qu’une rectification puisse porter sur la soumission aux charges sociales de tels revenus. 

  

[1] BOI-BIC-CHAMP-60-50-20140711 

[2] BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40