Fiscalité de la cession de titres

La présente fiche pratique a pour objet de rappeler les principes généraux inhérents à la fiscalité de la cession de titres (actions ou parts sociales) de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés.
À cet égard, nous reviendrons brièvement sur la méthode de détermination de la plus-value imposable, avant de faire un bref rappel des principes fiscaux en vigueur.
La fiscalité de la cession de titre de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés effectuée par un particulier
La première étape nécessaire à la détermination de la charge d’impôt et de prélèvements sociaux inhérente à une cession de titres de société consiste à calculer l’assiette imposable pour ces deux éléments.
Ce n’est que par la suite que peuvent être mis en jeu les différents mécanismes fiscaux applicables, en fonction de la situation de la société et du cédant.
1ère étape : la détermination de l’assiette de la plus-value
Rappel des principes en matière de détermination du montant de la plus-value imposable en cas de cession de titres de société
La plus-value se détermine classiquement en soustrayant le prix de revient au prix de cession.
Toutefois, certains retraitements complémentaires doivent être effectués afin de préciser le montant de la plus-value réalisée, notamment en ajoutant au prix de revient, par exemple, les éventuels frais de transaction inhérents à l’opération (article 150-0 A du CGI).
Il est ainsi important de retracer l’ensemble des flux inhérents aux opérations d’acquisition/souscription des titres cédés, mais aussi des charges annexes relatives à la cession desdits titres.
La détermination du prix de revient en cas d’acquisition/souscription échelonnée des titres cédés
Une difficulté peut survenir dans l’hypothèse où les titres cédés ont été acquis, souscrits ou obtenus à des dates et des prix différents.
La réponse à cette difficulté reste simple dès lors que les titres cédés sont identifiables (par exemple des parts sociales ou des titres numérotés).
À cet égard, il convient de calculer de manière différenciée la plus-value des titres cédés.
Toutefois, en présence de titres fongibles (comme par exemple des actions de SAS), cette distinction n’est généralement pas possible et il convient alors de se référer à la méthode du prix moyen pondéré d’acquisition (art. 150-0 D, 3 du CGI, Inst. 13-6-2001, 5 C-1-01 n° 105 ; BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40 n° 20, 20-12-2019) afin de déterminer le prix de revient des titres cédés.
2e étape : L’imposition de la plus-value de cession de titres de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés par un particulier
Le législateur a mis en place trois principaux régimes fiscaux applicables aux cessions de titres de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, détenus par des particuliers.
À cet égard, nous reviendrons de manière synthétique sur les principaux régimes fiscaux applicables, en fonction du contexte.
Le principe : la soumission de la plus-value réalisée au prélèvement forfaitaire unique (flat tax)
Depuis la promulgation de l’article 28 de la loi 2017-1837 du 30 décembre 2017, la cession de titres réalisée à compter du 1er janvier 2018 par une personne physique est en principe soumise à la flat tax (ou « prélèvement forfaitaire unique »).
La plus-value calculée est ainsi soumise à l’impôt sur le revenu, ainsi qu’aux prélèvements sociaux, au taux global et forfaitaire de 30%.
Le prélèvement forfaitaire unique se décompose ainsi en (BOI-RPPM-PVBMI-30-20 n° 70, 20-12-2019):
- 17,20% de prélèvements sociaux (CSG et CRDS) d’une part, et
- 12,80% d’imposition à l’impôt sur le revenu d’autre part.
Il est à noter que le contribuable soumis à la flat tax ne peut pas mobiliser de CSG déductible de ses revenus postérieurs (infra). Pour plus d’informations à ce sujet, nous vous invitons à consulter notre fiche pratique comparative entre la flat tax et l’option pour le barème.
L’option pour une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, après application d’un abattement pour durée de détention
Le régime optionnel de soumission de la plus-value réalisée à l’impôt sur le revenu peut avoir un certain intérêt et doit être analysé à l’occasion de la réalisation de toute opération relative à la cession de titres de société soumise à l’impôt sur le revenu.
À cet égard, et préalablement à l’édition de la déclaration de revenus, une analyse fiscale doit être menée.
En effet, il convient de rappeler que cette option est globale et irrévocable et peut avoir des répercussions importantes sur l’imposition des autres revenus perçus par le contribuable.
Ainsi, le contribuable ayant opté pour l’option du barème progressif au titre d’une cession de titres sera aussi soumis à ce régime dans le cadre de la perception d’un dividende, par exemple.
Il convient donc d’effectuer une analyse globale de la situation sociale et fiscale du contribuable, avant d’exercer l’option pour le barème.
Enfin, il est rappelé que les abattements calculés dans les conditions déterminées ci-dessous n’ont pas d’impact sur la détermination du revenu fiscal de référence, lesdits abattements étant réintégrés afin de calculer son montant (article 1417, IV du CGI).
Dans le cadre de cette option pour le barème de l’impôt sur le revenu, la seconde étape consiste à déterminer le taux d’abattement pour durée de détention applicable.
Nous reviendrons à cet égard sur les différents taux mobilisables, en fonction du contexte.
La condition préalable d’application de l’option au barème : les titres cédés doivent avoir été acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018
A titre liminaire, il est rappelé que l’option pour une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu n’est applicable que si les titres cédés ont été obtenus préalablement au 1er janvier 2018 (art. 150-0 D, 1 du Code général des impôts).
A défaut, seul le régime du prélèvement forfaitaire unique est applicable.
Le régime d’abattement proportionnel pour durée de détention de droit commun
En cas d’option pour l’application du barème progressif, un premier régime d’abattement applicable au montant de la plus-value calculée peut bénéficier au contribuable.
Nous rappelons à cet égard que cet abattement n’est applicable qu’à la soumission de la plus-value à l’impôt sur le revenu. Ainsi, la soumission de la plus-value aux prélèvements sociaux n’est pas impactée et reste calculée en fonction du montant brut de la plus-value.
L’abattement applicable est déterminé en fonction de la durée de détention par le contribuable des titres cédés.
À cet égard, les abattements classiques pouvant être mobilisés sont les suivants :
- Pour une durée inférieure à 2 ans, aucun abattement ;
- Pour une durée comprise entre 2 ans et 8 ans, abattement de 50% de la plus-value ;
- Pour une durée supérieure à 8 ans, abattement de 65% de la plus-value.
Pour rappel, ces abattements ne sont à prendre en compte que lors du calcul de l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu.
En complément de cette imposition, le contribuable est soumis aux prélèvements sociaux, à hauteur de 17,2 %, sans application des abattements précités.
Cependant, une part à 6,8% de CSG (Contribution sociale généralisée) doit être déclarée et reste déductible des revenus des années suivantes (article 154 quinquies du Code général des impôts), ce qui présente un intérêt complémentaire.
L’abattement proportionnel renforcé « jeunes PME »
En cas de cession par un contribuable de titres détenus dans une PME, au sens fiscal, un régime d’abattement renforcé s’applique au montant de la plus-value constatée (articles 150-0 D, 1 et 1 quater du Code général des impôts).
Ce régime, plus avantageux, ne s’applique qu’en cas de cession de titres acquis ou souscrit dans les 10 ans de la création de la société.
Ce régime n’est en outre applicable qu’en cas de cession de titres d’une société pouvant être qualifiée de PME au sens communautaire. Sont ainsi qualifiées de PME les sociétés dont l’effectif est inférieur à 250 salariés, qui possèdent un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ou un montant hors taxe de chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions d’euros.
Ce régime spécifique permet au contribuable de bénéficier d’un abattement renforcé, à l’occasion du calcul du montant de la plus-value imposable à l’impôt sur le revenu.
L’abattement renforcé applicable est déterminé en fonction de la durée de détention des titres au jour de leur cession, dans les conditions suivantes :
- Entre 1 an et 4 ans de détention des titres, application d’un abattement de 50% ;
- Entre 4 et 8 ans de détention des titres, application d’un abattement de 65% ;
- Au-delà de 8 ans de détention des titres, application d’un abattement de 85%.
Au-delà de 8 ans de détention, la plus-value constatée n’est donc soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu qu’à 15% de son montant.
En complément de cette imposition, le contribuable reste là encore soumis aux prélèvements sociaux, à hauteur de 17.2%, dont 6.8% de CSG déductible des revenus des années postérieures, sans application du moindre abattement.
Le régime spécifique d’abattement fixe applicable aux cessions de titres en cas de départ à la retraite
Alternativement aux régimes d’abattements pour durée de détention, le législateur a créé un régime spécique d’abattement forfaitaire de 500 000€ en cas de cession de titres réalisée par un contribuable souhaitant faire (ou ayant fait valoir) ses droits à la retraite (article 150-0 D ter du CGI).
Ce régime ne s’applique qu’à condition de respecter les critères suivants (150-0 D ter, II-4° du CGI) :
- La cession des titres doit être réalisée par le dirigeant de la société ;
- Le dirigeant en question doit avoir détenu les titres pendant au moins un an préalablement à la cession ;
- Le cédant doit avoir exercé ses fonctions de direction durant au moins 5 ans préalablement à la cession des titres.
En complément, d’autres critères spécifiques aux fonctions de direction doivent être respectés :
- La nomination aux fonctions de direction doit avoir été régulière ;
- La fonction de direction doit avoir été effectivement exercée ;
- La fonction a donné lieu à une rémunération normale ;
- La rémunération de la fonction a représenté plus de la moitié des revenus professionnels du cédant au titre des années concernées.
Enfin, afin que cet abattement de 500.000 € soit applicable, le cédant doit :
- faire valoir ses droits à la retraite dans un délai de 24 mois suivant la cession ; ou
- avoir fait valoir ses droits à la retraite dans un délai de 24 mois précédent la cession.
S’agissant du calcul des impositions, il est rappelé que l’abattement forfaitaire de 500.000 € n’est applicable qu’à l’impôt sur le revenu. En conséquence, les prélèvements sociaux ne sont, là encore, pas concernés par cet abattement.
La règle de non-cumul des abattements fixes et proportionnels
Il sera rappelé que les abattements fixes et proportionnels ne peuvent se cumuler.
Ainsi, en application de l’article 150-0 D, 1- dernier alinéa du CGI, l’abattement proportionnel pour durée de détention n’est pas applicable au reliquat du gain net imposable après application de l’abattement fixe pour départ à la retraite.
Il est donc nécessaire de procéder à une étude préalable afin de déterminer l’abattement le plus adapté à la situation du contribuable.
Dans ce cadre, notre cabinet ETIC Avocats se tient à votre disposition afin de vous assister à l’occasion de l’optimisation et de l’analyse de l’imposition de vos revenus.
3e étape : l’application de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR)
En fonction des revenus déclarés par le contribuable, une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus peut trouver à s’appliquer.
Cette contribution s’applique dès lors que :
- le contribuable célibataire déclare des revenus supérieurs à 250.000 € ;
- les contribuables mariés ou PACSés déclarent des revenus supérieurs à 500.000 €.
Dans ce contexte, le barème de la CEHR est le suivant :
Fraction de revenu fiscal de référence | Taux pour une personne seule | Taux pour un couple soumis à imposition commune |
Jusqu’à 250 000 € | 0 % | 0 % |
Entre 250 001 € et 500 000 € | 3 % | 0 % |
Entre 500 001 € et 1 000 000 € | 4 % | 3 % |
Plus de 1 000 000 € | 4 % | 4 % |
Par principe, la contribution exceptionnelle est assise sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal selon l’article 223 sexies du CGI.
Pour rappel, le revenu fiscal de référence s’entend du montant net des revenus et plus-values retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, majoré de certains revenus et profits exonérés d’impôt sur le venu ou soumis aux prélèvements ou versements libératoires (article 1417 du CGI).
L’assiette de la CEHR est donc égale au montant de la plus-value brute perçue.
Concernant les modalités d’imposition, il est rappelé que l’assiette de la CEHR peut être diminuée (tout comme celle de l’impôt sur le revenu), le cas échéant, en application du mécanisme du quotient.
4e étape : La déclaration des plus-values de cession à l’impôt sur le revenu
Les modalités de déclaration des plus-values des particuliers est prévue par l’article 74-0 F et suivant du CGI.
Par principe, les déclarations de plus-values de valeurs mobilières doivent être effectuées par l’intermédiaire de la déclaration spéciale n°2074, contenant les différentes opérations exceptionnelles réalisées par le foyer fiscal.
Cette déclaration doit être déposée en annexe de la déclaration d’impôt sur le revenu n°2042, au titre des opérations réalisées l’année précédente.
Elle doit faire apparaître le montant global des cessions, ainsi que le montant total des plus-values et moins-values réalisées. Elle doit aussi être assortie des éléments nécessaires à sa détermination.
Quelques exemples de calcul
Pour la bonne compréhension du lecteur, nous prendrons ici un exemple simple :
- Un contribuable souscrit au capital d’une société nouvelle à hauteur de 5.000 €, en 2010 ;
- Le contribuable, seul membre de son foyer fiscal, cède l’intégralité des titres de la société pour un montant de 1.000.000 € en 2023 ;
- Le contribuable ne souhaite pas faire valoir ses droits à la retraite à la suite de la cession ;
- Le taux d’imposition à l’impôt sur le revenu du contribuable est estimé, par convention, à 40%.
La détermination de l’assiette
En l’occurrence, et pour les besoins du calcul, nous ne traiterons pas ici des éventuels frais et charges pouvant impacter le prix de revient ou le prix de cession.
Ainsi, l’assiette brute de la plus-value constatée sera déterminée de la manière suivante :
Assiette de la plus-value : 1.000.000 – 5.000 = 995.000€ de plus-value brute imposable
Le contribuable a donc réalisé une plus-value brute de 995.000€.
Les titres ayant été souscrits préalablement au 1er janvier 2018, le contribuable peut choisir de les imposer à la « flat tax » ou au barème progressif.
L’imposition de la plus-value à l’impôt sur le revenu
Comme indiqué, me contribuable peut faire le choix d’être soumis à la « flat tax » ou au barème. Il convient donc d’effectuer une rapide comparaison entre ces deux régimes.
- L’application de la « flat tax »
Par principe, le prélèvement forfaitaire unique soumet le montant de la plus-value réalisée à un taux forfaitaire de 12,8%.
Imposition de la plus-value à la « flat tax » = Plus-value * la taux d’imposition
= 995.000 € * 12,8%
= 127.360 €
A la « flat tax » le contribuable sera imposé à l’impôt sur le revenu à hauteur de 127.360 €.
- L’application de l’abattement majoré sur option
Les titres cédés sont ici depuis plus de 8 ans.
En complément, ces titres sont des titres de PME et ont été souscrits dans les 10 ans de la création de la société.
En l’espèce, l’abattement renforcé à 85% est applicable.
Imposition de la plus-value au barème et abattement renforcé à 85% =
Taux du barème à l’IR * (Plus-value – (plus-value * (85%))
40% * (995.000 – (995.000 * 85%))
40% * 149.250
= 59.700€
Par l’application du barème et de l’abattement majoré, le contribuable n’est soumis à l’impôt sur le revenu qu’à hauteur de 59.700 €, soit une économie fiscale substantielle.
- La soumission de la plus-value aux prélèvements sociaux
Quelque soit l’option choisie par le contribuable, la plus-value brute reste soumise aux prélèvements sociaux à hauteur de 17,2%.
Calcul des prélèvements sociaux = 995.000*17.20% = 171.140€
Cependant, il sera rappelé qu’en cas d’option pour le barème, une part de CSG déductible pourra être déclarée. Cette part représente 6.8% de la plus-value brute.
Part de CSG déductible des revenus postérieurs = 995.000*6.8% = 67 660€
- La soumission du contribuable à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR)
Le calcul de cette imposition est effectué en complément de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, au regard du montant brut de la plus-value constatée, quelle que soit l’option choisie par le contribuable.
En l’espèce, la plus-value étant de 995.000 € :
- les premiers 250.000 € sont exonérés ;
- le montant compris entre 250.001 € à 500.000 € est soumis à un taux de 3% ;
- le montant supérieur à 500.000 € est soumis au taux de 4%.
Le résultat de l’application de la CEHR peut donc être calculé comme suit : 250.000*3% + 495.000*4% = 20.100€
Une contribution exceptionnelle de 20.100€ est à ajouter au montant des impositions susvisées.
- Le total
Dans cet exemple avec une base de plus-value à 1.000.000€, l’option de l’abattement renforcé serait donc à privilégier.
Toutefois, il conviendra d’effectuer une analyse globale de la situation fiscale et sociale du contribuable afin de confirmer cette première analyse.
En outre, et dans l’hypothèse où le contribuable aurait des projets de réinvestissements dans une nouvelle activité économique, il est important de rappeler qu’il peut bénéficier du mécanisme de report d’imposition dans le cadre d’un apport-cession.
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